Mike Trauner - Ceci n’est pas une histoire triste

Le caporal-chef à la retraite Michael Trauner était en route aux Jeux paralympiques 2020 lorsque Covid-19 a mis fin à ses plans. Maintenant il est en quarantaine, incapable de pratiquer le paracanoë. Déçu? Frustré? Amer? Non. Trauner se tient quand même occupé en ayant Sans Limites.

Mike Trauner sait que la vie peut changer en un instant. Le 5 décembre 2008, il effectuait une patrouille à pied en Afghanistan lorsqu’une bombe a explosé. Dans l’explosion, Trauner a perdu ses deux jambes et s’est gravement blessé aux bras et aux mains. Sa main gauche avait 25 os cassés et la droite n’était maintenue en place que par le gant qui avait fondu sur sa peau. Il se souvient avoir volé dans les airs et atterri dans un cratère de la taille d’un camion.

“Quand j’ai levé mes bras, ils étaient en fumée”, se souvient-il.

Son épouse, Leah Cuffe qui était à la maison à Pembroke, Ontario, se retournait sans arrêt dans son lit, tourmentée par un sentiment inexplicable de crainte. À 3h43, son téléphone a sonné. C’était l’aumônier qui lui annonçait la nouvelle.

“Dans les films, les femmes tombent à genoux et sanglotent de façon incontrôlable. Ce n’était pas comme ça pour moi. J’étais plutôt calme ", se souvient Cuffe.

Quelques minutes plus tard, on frappa à sa porte et dans les heures qui ont suivi, Cuffe était en route pour l’Allemagne. Lorsqu’elle est arrivée à l’hôpital militaire de Landstuhl, une équipe d’une trentaine de personnes l’attendait. Elle se souvient d’avoir été emmenée dans la seule pièce où il y avait un drapeau canadien. Trauner était réveillé quand elle est entrée, il lui a dit « je suis vraiment désolé », et il s’est endormi.

Pendant que Cuffe le regardait, il avait l’air de se reposer. Puis elle a remarqué les écrous et les boulons dans ses bras. Le moment où l’infirmière a levé les draps qui couvraient la partie inférieure de son corps, Cuffe a vu d’un seul coup l’étendue des blessures.

« Mais il était vivant et c’était tout ce qui comptait », se souvient-elle.

Pendant sa convalescence, Trauner est décèdé deux fois. Une fois en Afghanistan et une fois à l’hôpital militaire en Allemagne. Être capable de garder toute nourriture dans l’estomac était aussi une lutte.

« On m’a dit que ça se pourrait que je ne puisse jamais marcher et je ne pensais pas pouvoir faire quoi que ce soit », se souvient Trauner.

Défiant les probabilités, seulement 29 jours après la blessure, Trauner a fait ses premiers pas. Quelques mois plus tard, il a terminé la course de cinq km sans aide.

« Je me suis beaucoup entraîné pour montrer à tous que je pouvais le faire. Par la suite, tout le monde me félicitait, je me souviens avoir pensé: Félicitations pour quoi? Pour marcher 5 km? Pour avoir fait ce que n’importe qui devrait pouvoir faire? À l’époque, je ne comprenais pas à quel point c’était important. »

Mais le destin n’était pas fini avec Trauner. Les années suivantes ont apporté de nouveaux revers. La jambe droite de Trauner ne guérissait pas comme prévu, alors il a commencé à développer des blessures qui ne disparaissaient pas. Après quelques années, il s’est trouvé à risque de perdre aussi le genou droit.

« On m’a dit qu’ils pourraient soit enlever le genou, ou soit que je devrais sacrifier un peu plus de mes bras en termes de vaisseaux sanguins, d’artères, de terminaisons nerveuses et de bonne peau qui pourraient être transplantés. »

Suite à la série de chirurgies, Trauner fut essentiellement cloué au lit pendant deux ans.

« Je ne pouvais ni me brosser les dents, ni me raser. Les gens devaient tout faire pour moi. Je ne pouvais même pas aller aux toilettes. C’était très frustrant. Au plus fort de ma vie, je suis redevenu un bébé sans défense. »

En 2016, Trauner a rencontré le prince Harry aux Jeux Invictus à Orlando. Prince Harry a personnellement mis Trauner au défi de se joindre à Équipe Canada et de participer aux Jeux Invictus 2017 à Toronto.

« Je lui ai dit : Défi accepté », se souvient Trauner. « C’est devenu le coup de pied dont j’avais besoin pour recommencer. »

Depuis Mike Trauner brise des records. Aux Jeux Invictus 2017, non seulement il a fait partie de l’équipe, mais il a remporté deux médailles d’or en aviron intérieur. À la Coupe Sprint de l’Ontario 2018, il a maîtrisé le sport du paracanot, remportant trois médailles d’or avec son équipe ainsi qu’une médaille de bronze au championnat parapanaméricain de canoë à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse et en 2019 à São Paulo, au Brésil, une médaille de bronze.

La même année, il a également reçu le prix de l’Invincible Sans Limites. Pour les Jeux paralympiques 2020, Trauner a dû prendre d’assaut et consacrer six jours complets chaque semaine à l’entraînement et aux préparatifs.

Puis la pandémie de Covid-19 a éclaté et les mesures de distanciation sociale qui l’accompagnaient ont entraîné des annulations et des reports d’événements dans le monde entier - y compris les Jeux olympiques et paralympiques de 2020 à Tokyo. Pour la plupart des athlètes qui ont consacré des années à la poursuite de leur rêve, le retard d’une année serait extrêmement décevant, mais Trauner reste incroyablement positif.

« Je vois cela comme une occasion de m’améliorer » dit-il et ajoute que les para-athlètes sont peut-être mieux placés pour faire face à ce genre de revers.

« Nous sommes déjà allés en enfer. Nous savons que ce n’est pas la fin du monde. »

Son épouse, Leah, qui a contribué au succès de Trauner, est d’accord: « Les gens me disent qu’ils sont désolés, mais ceci n’est pas une histoire triste. Regardez où il est maintenant et où il va! »

Trauner dit qu’il serait heureux de soutenir tout membre de Sans Limites qui pourrait éprouver des difficultés, qu’il soit déçu par les événements reportés ou qu’il se sent isolé en quarantaine.

Deux jours après mon retour d’Allemagne, Sans Limites s’est présenté à mon unité de traumatologie à l’hôpital d’Ottawa et depuis ils sont restés avec moi. Je ne serais pas là où je suis aujourd’hui sans le support de Sans Limites. »